Le tunnel ferroviaire inachevé d’Urbès
Le tunnel ferroviaire d’Urbès devait servir le progrès en raccourcissant le trajet entre les Vosges et l’Alsace mais sa finalité en fût tout autre…
Le col de Bussang constituait une véritable barrière pour les relations commerciales entre les Vosges et l’Alsace et entre le Benelux et l’Italie. Le tunnel d’Urbès devait raccourcir le trajet ferroviaire Urbès – Saint-Maurice-sur-Moselle par une voie nouvelle de 52 kilomètres débutant côté Vosgien à la Gare de Bussang et arrivant côté Alsacien au niveau de la Gare de Fellering. D’une longueur de 8287 mètres, le tunnel aurait été le plus long ouvrage souterrain Français.
La Gare de Bussang avec un autorail juste avant sa fermeture en 1988.
Les études techniques débutent en 1927. Le coût du projet fut estimé en 1931 à deux cents millions de francs de l’époque, dont cent trente millions pour la construction du tunnel et des ouvrages d’art. L’appel d’offres fut remporté en août 1932 par la société Vandewalle & Borie. Le percement du tunnel débuta le 19 octobre 1932. Le chantier employa, au plus fort des travaux, mille cent ouvriers et le creusement du tunnel progressa de deux kilomètres par an. Début 1935, les travaux connurent un net ralentissement. Ils furent stoppés en juin 1935 et le marché fut annulé. Cette annulation est principalement due à de graves erreurs financières et à une situation politique changeante.
La société Vandewalle & Borie, afin d’être sûre de remporter le marché, proposa une offre pour le percement du tunnel et la construction des ouvrages d’art de quatre-vingt-sept millions de francs largement inférieure aux cent trente millions estimée pour le projet. L’État soucieux d’économie après la crise de 1929 négocia un rabais supplémentaire ramenant le contrat à soixante-quatre millions. En 1935, la société Vandewalle & Borie, ayant totalement sous-estimé les coûts et soumise à une explosion des coûts de main-d’œuvre et des matériaux, était en faillite. Elle négocia donc avec l’État l’arrêt des travaux en prétextant une roche trop dure pour être forée.
La dégradation des relations avec l’Italie et le changement de gouvernement intervenu entre 1932 et 1935 furent des motifs supplémentaires pour l’abandon du projet. L’Italie aurait directement bénéficiée du tunnel, car il aurait permis une liaison plus courte vers le Benelux en passant par le Suisse. Le scandale provoqué dans les vallées vosgiennes par l’abandon du projet fit céder le gouvernement Lebrun qui promettra la reprise des travaux au plus vite. Mais la Deuxième Guerre mondiale signa l’arrêt définitif du projet.
En 1935, lors de l’arrêt des travaux, l’ensemble des ouvrages d’art côté alsacien était construit. Le tunnel était percé sur une longueur de 4360 mètres. Le percement du tunnel avait été entrepris côté alsacien, car la pente que le tunnel devait former permettait ainsi, durant les travaux, l’écoulement naturel de l’eau d’infiltration. Le percement se faisait en quatre phases.
Une première galerie de base était forée puis elle était élargie. Dans la troisième phase, le haut de la galerie était élargie et la voûte était mise en place sur toute sa largeur. Dans la quatrième phase, le bas de la galerie était élargie et les murs du tunnel étaient construits et venaient soutenir la voûte. Donc lors de l’arrêt des travaux, le tunnel était totalement fini sur les 1600 premiers mètres. Sur les 1058 mètres suivants, la voûte était achevée. Suivaient ensuite 342 mètres où la galerie de base avait été élargie et 1060 mètres où seule la galerie de base avait été creusée.
Du côté lorrain, une galerie de base longue de 300 mètres avait été réalisée ainsi qu’un pont.
A la fin de l’année 1943, les occupants Allemands lui trouvèrent un intérêt stratégique et y installèrent un camp de travail pour y produire des pièces détachées pour les fusées militaires V1 et V2. L’entrée d’origine du tunnel a été transformée en blockhauss et l’intérieur fut modifié pour recevoir des locaux de travail pour les déténus et des pièces de garde pour les SS nazis.
Les détenus travaillaient dans l’humidité et les gaz d’échappement des moteurs diesel et sous un éclairage ne permettant pas de voir a plus de quelques mètres. Les ventilateurs d’aérations n’étaient efficaces que sur les trois cents premiers mètres du tunnel.
En provenance notamment du camp de concentration du Struthof, des milliers de détenus d’origine diverse y ont travaillé dans d’effroyables conditions inhumaine, et une cinquantaine y ont laissé leur vie.
Aujourd’hui, après une tentative de relance, le tunnel est abandonné par la SNCF. Il est devenu un réservoir d’eau potable exceptionnel avec un débit de 30 à 40 litres par seconde. Le village d’Urbès est desservi ainsi qu’une partie de la vallée de Saint-Amarin grâce à la pose d’une grande conduite. Plusieurs fois aborder avec la mise à 2×2 voies progressive de la RN66 entre les Vosges et Mulhouse, la poursuite des travaux et sa transformation en tunnel routier n’ont pour le moment pas aboutis.
Pour des raisons évidentes d’hygiène, le tunnel d’Urbès ne se visite pas.
Pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez consulter ce second article complémentaire sur TransVosges et visiter ces sites Internet remarquables :
– Le tunnel d’Urbès, camp de concentration nazi
– Histoire du Rail : liaisons Trans-Vosgiennes
Ainsi que cet article sur TransVosges.
Sombre histoire pour un tunnel mal éclairé
Pour aller plus loin sur le sujet, voir aussi cet article sur TransVosges : http://transvosges.com/2016/01/17/lancienne-ligne-ferroviaire-saint-maurice-sur-moselle-wesserling/ 😉